Arrivée

Mirage ne demanda à personne son chemin. Elle savait parfaitement où aller et, ne l'aurait-elle pas su, elle avait trop de fierté pour aller poser des questions qui n'allaient pas manquer de la faire remarquer.
De toute manière, tous les esprits savaient où vivait le Roi des Mers : ils étaient attirés vers
sa maison comme les papillons sont attirés par une flamme. Cependant, lorsqu'elle arriva
devant la vieille porte en bois de chêne, elle sentit son assurance flancher.

Aussi étrange que cela puisse paraître, Mirage était impressionnée.

Elle était trop petite pour atteindre l'anneau de fer forgé qui servait à frapper contre le
battant, aussi toqua-t-elle simplement avec sa main. Elle n'eut à attendre que quelques
secondes avant que des pas ne résonnent derrière la porte et que, tout doucement, celle-ci
s'ouvre devant elle.

Confortablement installé dans un fauteuil, Siwan lisait un ouvrage fort intéressant qui traitait de la philosophie préhistorique et qu'il avait eu un mal de chien à se procurer. Plongé dans sa lecture, il n'entendit pas tout de suite qu'on frappait à sa porte.
Le bruit le tira de ses pensées. Reposant son précieux livre à côté du fauteuil, il se leva en marmonnant des imprécations contre ses épaules qui le faisaient souffrir un peu plus chaque jour et alla ouvrir, curieux de voir qui lui rendait visite à une heure aussi matinale.

Devant lui se tenait une jeune femme pas plus grande qu'un enfant, dotée de deux ailes diaphanes et vêtue d'une tunique aux couleurs chatoyantes qui glissaient sur le tissu sans jamais s'arrêter. Un sourire apparut sur son visage.

- Mirage, esprit des Songes, récita-t-il comme s'il l'avait appris par coeur. Je ne sais pas où tu t'es procurée de la soie-rêve d'aussi bonne qualité, mais cela te sied à merveille.

Mirage lui jeta un regard où se disputaient l'étonnement et le dédain. Pour qui se prenait-il, tout Roi des Mers qu'il était, pour se permettre de lui parler comme s'il faisait sa cour ?
Elle s'apprêtait à tourner les talons, furieuse, quand elle se ravisa soudainement. Elle n'était pas venue ici pour rien ; elle lui réglerait son compte plus tard. Se forçant à ses calmer, elle desserra les poings et se retourna.

- Ce n'est pas parce que vous êtes puissant qu'il faut vous croire tout permis, articula-t-elle avec colère.

- Puissant ?

Le Roi des Mers lui sourit d'un air empreint de tristesse.

- Bien loin est le temps où j'étais puissant...